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Le 27 février 2021, la loi relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire (loi n°2021-219) visant à renforcer le dispositif déjà existant a été publiée. Cette disposition étend le champ d’application de la loi Eckert du 13 juin 2014 qui portait sur les contrats d’assurance-vie et les comptes bancaires inactifs. Quels en sont les nouveaux objectifs ?
Pourquoi un nouveau texte sur la déshérence ?
L’épargne retraite connaît un véritable engouement dans les pays de l’OCDE. La France ne fait pas figure d’exception puisque le montant collecté a augmenté de 63 % entre 2009 et 2019. En 2020, les encours sur les produits d’épargne retraite représentaient plus de 230 milliards d’euros, avec un attrait indiscutable pour les produits de retraite individuels.
Pourtant, le constat de l’ACPR est sans appel. À fin 2016, l’autorité de tutelle estimait à plus de 13 milliards d’euros l’encours des contrats de retraite supplémentaire (PERP, Madelin, PER individuel, Article 83, Article 39, PERCO, etc.) non liquidés par leurs souscripteurs/assurés à l’âge de départ à la retraite. Ces contrats, souvent sans terme, se retrouvaient de facto hors du périmètre de la loi Eckert visant à lutter contre la déshérence.
Face à cette situation, deux évolutions législatives ont suivi :
- La loi Sapin II de 2016 qui a assigné à l’assureur l’obligation d’informer annuellement les assurés ayant dépassé l’âge de la retraite de la possibilité de liquider les prestations dues au titre de leur contrat.
- La loi PACTE de 2019 qui a permis d’inclure les contrats sans terme dans le champ d’application des textes sur la déshérence.
Malgré ces avancées, l’ACPR comme la Cour des comptes ont dénoncé les insuffisances de ces textes, conduisant ainsi à la rédaction d’une proposition de loi sur la base des recommandations adoptées début 2020 par le CCSF (Comité Consultatif du Secteur Financier) afin de renforcer l’information de l’assuré.
Le contenu de la loi n° 2021-219
Dans le nouveau dispositif instauré par la loi n° 2021-219 au travers de l’article L224-7-1 du Code monétaire et financier, le GIP Union Retraite joue un rôle primordial. Il s’agit d’un groupement d’intérêt public réunissant les organismes de retraite obligatoire, de base et complémentaire et qui gère entre autres le site internet d’information « Info Retraite ».
Les gestionnaires de contrats de retraite supplémentaire devront transmettre à l’Union Retraite les informations sur les contrats de retraite supplémentaire en stock au moins une fois par an et par voie électronique. À réception de ces informations, le groupement confirmera au gestionnaire le succès ou l’échec de l’identification de l’assuré.
En cas de succès, le GIP rend l’information visible sur le compte Info Retraite de l’assuré, lequel reçoit une notification. L’assuré pourra alors accéder aux références et à la nature des produits ainsi qu’à la désignation et aux coordonnées du gestionnaire selon les informations que ce dernier aura transmis. Il est à noter que ces données ne figureront pas dans le relevé de situation individuelle détaillant les droits à retraite au titre des régimes de base et complémentaires légaux, afin d’éviter toute confusion avec ces derniers.
Dans le cas où l’identité du titulaire d’un produit d’épargne retraite n’est pas certaine et si plusieurs titulaires potentiels ont pu être identifiés pour ce même produit, le GIP pourra les en informer via leur compte Info Retraite. Le financement des moyens nécessaires au développement, au fonctionnement et à la publicité de ce dispositif est assuré par les gestionnaires. Néanmoins, des questions subsistent encore car certains contours de la nouvelle loi n’ont pas été encore définis.
Les zones d’ombre restant à éclaircir
Le périmètre
Le texte renvoie à un décret pour la définition des produits autres que le PER concernés par ce dispositif. Si le gouvernement a voulu faire preuve de simplification en créant le PER comme outil unique de préparation de la retraite, il n’en reste pas moins que le stock de contrats de retraite supplémentaire comporte de nombreux types de produits, et ce pour encore plusieurs années. La définition du périmètre est donc cruciale, et il est raisonnable de penser qu’elle sera large au vu des enjeux et des gestionnaires visés par la loi, à savoir : les entreprises d’assurance, les mutuelles ou unions, les institutions de prévoyance ou unions, les organismes de retraite professionnelle supplémentaire, les établissements de crédit, les entreprises d’investissement ou les établissements habilités pour les activités de conservation ou d’administration d’instruments financiers.
La date d’entrée en vigueur
La date d’entrée en vigueur de la loi sera elle aussi définie par décret sans toutefois pouvoir excéder 18 mois après la promulgation de la loi.
Les relations entre l’Union Retraite et les gestionnaires
Les relations entre l’Union Retraite et les gestionnaires devront faire l’objet d’une convention spécifique qui encadrera la prise en charge financière du dispositif par les gestionnaires, mais également la nature des informations adressées au groupement ainsi que les modalités d’échanges avec les gestionnaires.
Une loi favorable aux bénéficiaires de contrats de retraite, mais aussi à la transformation digitale des gestionnaires de retraite ?
- L’absence de connaissance par le souscripteur / assuré de ses droits, notamment pour les contrats de groupe à adhésion obligatoire
- La perte de lien entre le gestionnaire et le souscripteur / assuré
Toutefois, sa mise en œuvre opérationnelle pourra constituer un véritable défi pour les gestionnaires de ce secteur qui disposent encore d’importants stocks papier. Ceci devrait conduire à d’âpres discussions lors de la négociation de la convention avec l’Union Retraite.
À n’en pas douter, ce texte renforcera l’intérêt, voire le caractère impératif, des projets de digitalisation et de gestion de la qualité de la donnée pour les entités dont le fonctionnement est obsolescent.