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« La fiscalité m’aide à comprendre comment un pays fonctionne »

Florence Baldo
Ingénieur Conseil

 

IMG20240817134914~3Pierre-Alain Chenour est « Tax Compliance Specialist » au sein de l’équipe Client Tax Services chez ING Amsterdam.

Il coordonne tous les sujets fiscaux avec les filiales d’ING. Il se caractérise comme un jeune Français parti à l’étranger pour découvrir une nouvelle culture et valoriser son profil dans le domaine fiscal. Dans son temps libre, il pratique l’athlétisme à haut niveau et explore le monde. Son dernier voyage en date était en Polynésie française sur les îles de Tahiti, Raiatea, Bora-Bora, Tahaa et Huahine.

Dans cette interview, il décrypte pour nous les arcanes de la fiscalité internationale. Souvent peu connue, même au sein des établissements financiers, cette fonction est pourtant essentielle.

 

Quel est ton parcours universitaire ?

J’avais commencé des études de santé à l’université. J’ai même validé ma première année. Quand j’ai fait mon premier stage à l’hôpital, je ne me suis pas vu soigner les gens toute ma vie. Je ne savais pas quelle nouvelle orientation choisir. Comme mon père et ma sœur, j’ai finalement opté pour le droit. Au début, à Assas, ce n’était pas la grande passion. J’ai même redoublé ma deuxième année à cause du droit administratif. En parallèle, je travaillais comme hôte d’accueil dans l’événementiel, notamment pour les Fashion Weeks, jusqu’à la fin de mon Master 1 : une superbe expérience sur le terrain que je recommande à tout le monde !

Au début de la licence, j’ai découvert le droit des contrats, les procédures civiles et pénales et surtout le droit fiscal : un vrai challenge intellectuel. Il faut savoir que la voie royale, c’est de faire du droit des affaires en Master 1, et la fiscalité en fait partie. Il n’y avait pas de sélection à l’époque, mais j’ai tout de même beaucoup travaillé pour avoir un bon dossier. J’étais plutôt bon en fiscalité, mais mon meilleur ami était vraiment excellent. Il a d’ailleurs intégré le cabinet Baker McKenzie. J’ai aussi apprécié le droit de la concurrence, des sûretés, des entreprises en difficulté…

J’ai effectué mon Master 2 en droit des affaires à l’Université Paris-Est-Créteil (UPEC). Entre les grèves de la fin du premier semestre et le début du Covid, les cours et les examens étaient tous en ligne. J’ai commencé mon premier stage à distance, à la Banque de France, en plein début de confinement. Je ne savais pas trop ce qui était attendu, je travaillais sur mon ordinateur personnel. Avec les mesures de relâchement, j’ai pu me rendre sur site et mettre en pratique mes connaissances sur la fiscalité des entreprises (TVA) et la fiscalité des individus (notamment les travailleurs détachés et les conséquences sur leurs résidences fiscales).

Comme j’avais visité Amsterdam deux ans auparavant, j’ai eu envie de compléter mon parcours par un Master là-bas. La pandémie était toujours présente, donc j’étais à nouveau 100 % à distance. Je n’ai pas souhaité passer le barreau car mon objectif était vraiment de travailler à l’étranger. En France, il faut passer 5 ans en cabinet d’avocat d’obtenir des équivalences à l’étranger. J’ai appris beaucoup de choses sur les prix de transfert, la fiscalité européenne, les conventions fiscales internationales… J’ai terminé par un stage chez Houthoff, l’un des plus grands cabinets des Pays-Bas, qui s’est très bien passé, en présentiel cette fois ! Juste après, j’ai eu l’opportunité de travailler chez ING Amsterdam au sein de l’équipe Client Tax Services.

 

Qu’est-ce que tu aimes dans la fiscalité ?

 

La fiscalité m’aide à comprendre comment un pays fonctionne. Il y a un budget face aux sommes collectées par l’Etat via l’impôt sur le revenu, la TVA, la fiscalité des entreprises… En fonction des besoins, l’Etat alloue ces sommes vers certains postes : l’emploi, le social, la santé, l’éducation, etc. Les mécanismes de la fiscalité sont complexes, et cela m’apporte la stimulation intellectuelle dont j’ai besoin au quotidien.

 

Peux-tu nous proposer un tour d’horizon des réglementations internationales en vigueur ?

 

FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act) : les États-Unis demandent à tous les autres pays du monde de leur fournir les informations bancaires des US persons. Si FATCA est désormais bien connu, les reportings initiaux ont été complexes à mettre en place. Un tribunal belge a même jugé que FATCA était illégal car unilatéral et intrusif en raison des informations sensibles demandées.

CRS (Common Reporting Standard ou DAC2) : FATCA a inspiré l’OCDE qui a rassemblé un consortium d’environ 140 pays autour de la Norme Commune de Déclaration. Le fonctionnement est cette fois multilatéral en vertu de l’Automatic Exchange of Information, et transparent entre les différentes juridictions. Cette directive permet à tous les pays participants de s’aligner sur la lutte contre l’évasion fiscale et la LCB-FT, puisque le financement de ces pratiques passe par les institutions financières. C’est pourquoi on peut la qualifier de mesure juste au regard de notre monde globalisé. C’est aussi une prouesse technique qui illustre bien la notion d’interdépendance.

US Withholding Tax – QI : toute non US person qui investit dans des titres US reçoit des dividendes ou des intérêts. Les États-Unis appliquent une retenue à la source sur ces revenus. C’est la fameuse Withholding Tax. Par ailleurs, les US persons qui résident aux États-Unis touchent des revenus de l’étranger. Ces deux phénomènes convergent et font l’objet de reportings obligatoires. Cela suppose de connaître les règles de documentation des clients des banques. Ces dernières doivent s’adapter pour collecter et classer des volumes importants. La liaison entre le Front Office et le Back Office n’est pas toujours fluide. Ce dernier intervient en bout de chaîne, avec une forte déperdition d’informations. Ce chaos administratif génère beaucoup de sanctions ! La plupart du temps, les process existent mais ne sont pas suivis à 100 % par manque de temps. C’est pourquoi on met en place des plans de remédiation.

DAC 6 : dans la continuité de la DAC2, cette directive vise toujours plus de transparence fiscale. Elle pose l’obligation de divulguer les montages liés à l’optimisation fiscale agressive, avec intermédiaire. Or, les institutions financières sont bien des intermédiaires. La question qui demeure est : « Est-ce qu’elles sont des intermédiaires qualifiés ? Font-elles partie du scope de reporting ? » Les avocats sont clairement concernés mais sont tenus au secret professionnel. Si l’idée de départ est valable, la mise en œuvre est difficile. Le volume de montages identifiés est faible depuis l’entrée en vigueur en 2020.

DAC7 : cette directive concerne les obligations de reporting pour les plateformes en ligne et les marketplaces.

DAC8 : cette directive apporte un cadre de travail rigoureux ainsi qu’une mise à jour de la DAC2, avec des précisions importantes sur certains champs (comptes nouveaux versus comptes préexistants, qualité des bénéficiaires effectifs pour les institutions financières dites « passives »…). Pour rappel, la transparence fiscale existe quand les associés d’une entité légale ont opté pour ne pas être imposés sur les bénéfices mais sur leurs revenus personnels. Le registre des bénéficiaires effectifs peut être consulté par les tiers autorisés, dont les institutions financières. En cas d’opacité, au contraire, les individus sont imposés sur les bénéfices (dividendes ou autres rémunérations). Quand les entreprises sont de taille importante, la forme légale est souvent opaque avec un impôt sur les sociétés à 21 % qui correspond à une flat tax. Au contraire, les associés personnes physiques de sociétés fiscalement transparentes sont imposés au barème progressif de l’impôt sur le revenu pouvant aller jusqu’à 45 % pour les revenus supérieurs à 180.000,00 euros. C’est une suite logique : chaque DAC instaure de nouvelles mesures pour améliorer la transparence fiscale. Il en va de même pour les piliers 1 et 2 de l’OCDE qui mettent en avant la notion d’égalité fiscale.

 FASTER (Faster and Safer Relief of Excess Withholding Taxes) : cette directive vise à instituer des mécanismes de collecte et de retenue à la source en euros. Par exemple, une entreprise française qui distribue un dividende peut amener une double imposition. En allouant la souveraineté fiscale à l’un des deux Etats concernés, et si l’impôt est dû dans les deux pays, un mécanisme d’exemption ou de crédit d’impôt va s’activer dans le pays n’ayant pas la souveraineté pour imposer ce dividende. Actuellement, cela nécessite de remplir de nombreux formulaires. Les investisseurs renoncent car c’est trop contraignant. FASTER va faciliter, ou du moins encourager, les investissements à l’étranger en digitalisant et en accélérant ce process.

 

D’après toi, l’Europe fiscale est-elle un mythe ou une réalité ?

 

Au regard de toutes ces législations, l’Europe fiscale est une réalité. On dispose d’une meilleure connaissance des sociétés, les reportings sont numérisés, peut-être même seront-ils bientôt dans des blockchains. La limite de tout cela reste évidemment l’aspect déclaratif qui peut générer des erreurs ou inexactitudes.

Cependant, tant que les Etats membres conservent leur souveraineté, ils décident du procédé d’adoption des directives. Par exemple, pour la TVA, l’Union européenne s’est efforcée de mettre en place un standard minimum avec un taux de 15 % pour les produits et services. Ce taux diffère toujours selon les pays.

L’exemple de l’impôt sur les sociétés est le plus connu du grand public : Google, Amazon et d’autres grandes sociétés américaines ont leur siège européen en Irlande car ils n’y paient que 12,5 % de taxes.  Cette compétition fiscale entre les Etats membres entraîne une collecte plus faible mais les recettes sont très importantes et le marché de l’emploi en bénéficie aussi. En France, l’impôt sur les sociétés est a 25%, ce qui reste moins attractif que d’autres Etats membres. Je suis en faveur d’une unité fiscale à 21 % qui mettrait fin à ce jeu du chat et de la souris.

Il n’est pas souhaitable de conserver ces différences puisque le projet européen repose sur un espace économique unique. Cette unité a été perdue de vue depuis le référendum de 2005 ayant abouti sur un rejet de la Constitution pour l’Europe. Dans un monde globalisé, chaque Etat membre est représenté par le biais de l’Union Européenne, ayant un poids économique représentatif à l’échelle du monde… Comme chaque Etat membre, individuellement, n’est pas représentatif sur cette échelle, surtout face à des superpuissances comme la Chine et l’Inde, elle doit pouvoir s’appuyer sur une Union européenne forte. Les petits pays comme Malte l’ont bien compris.

 

Quelles sont les qualités requises pour travailler dans le domaine de la fiscalité ?

D’abord, il faut disposer d’une excellente organisation intellectuelle afin d’évaluer des mécanismes complexes. L’esprit de synthèse est aussi essentiel, notamment quand on lit des pages de décisions très techniques du Conseil d’Etat…

Ensuite, ces dernières années, une appétence pour la compréhension des Data est essentielle. De nombreuses informations sont toujours gérées sous Excel malgré l’existence de quelques bons logiciels. La fiscalité a aussi une dimension très opérationnelle : une mission de conseil chez un client peut ainsi consister à retranscrire les comptes financiers du point de vue de l’Internal Revenue Service. Une consolidation très précieuse pour la banque !

Enfin, la curiosité et l’esprit d’aventure sont cruciaux. Avant de prodiguer des recommandations sur les prix de transfert, par exemple, il faut comprendre comment ils sont structurés et quelle histoire ceux-ci racontent d’une société et de ses filiales.

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Euro Numérique : la riposte de la Banque Centrale Européenne face aux cryptoactifs

Florence Baldo
Ingénieure conseil

Les dernières révolutions monétaires mondiales remontent à l’invention de la monnaie-papier en 1716 par John Law et bien sûr à la création de l’euro en 1999. Cependant, depuis quelques années, les cryptoactifs ont envahi le paysage des paiements au grand dam des États qui y voient une perte de souveraineté vertigineuse. Absence de régulation, financement d’activités illégales, conséquences écologiques désastreuses… le bitcoin a mauvaise presse auprès des politiques, et pourtant sa popularité ne cesse de grandir. La pandémie de covid-19 a encore accentué ce phénomène tandis que les besoins en paiements électroniques ont explosé en raison des commandes en ligne.

Face à cette situation, la Banque Centrale Européenne a lancé un projet ambitieux : une phase d’étude de deux ans pour explorer les conditions nécessaires à la création d’un euro numérique à partir d’octobre 2021. Cette initiative de grande ampleur lui permettrait d’entrer en concurrence avec les cryptoactifs, faute de pouvoir les réguler frontalement, et de renationaliser un euro submergé par la création de monnaie. Si les bénéfices peuvent être nombreux, plusieurs limites émergent déjà. La reconquête de la souveraineté monétaire s’annonce comme un chemin de croix à l’issue aussi incertaine que passionnante.

Faire de l’Euro numérique une nouvelle poche monétaire : un projet d’une ampleur inédite

La Chine et les Etats-Unis travaillent depuis longtemps à la mise en place de leur monnaie numérique, mais la BCE a longtemps hésité avant de se lancer. Pour cela, elle a consulté de nombreux citoyens ainsi que des milliers de professionnels au sein de l’Union. Son objectif ? Créer un moyen de paiement virtuel aussi efficace qu’un cryptoactif mais beaucoup plus sûr et surtout plus stable.

Les euros numériques seront stockés dans un portefeuille propre à chaque particulier ou entreprise. Au début, le montant attribué serait limité à 3 000 euros sous forme de jetons ou tokens. Ces droits pourraient ensuite évoluer en fonction des besoins et de l’adhésion des acteurs. Les technologies envisagées sont notamment les TIPS (TARGET Instant Payment Settlements), validés par la BCE et utilisés en Italie depuis 2018. Ainsi, l’instantanéité des paiements ne sera plus l’apanage exclusif des Fintechs et des banques… Les systèmes devraient être capables d’absorber 40 000 transactions par minute pour accompagner l’augmentation du volume des paiements en ligne.

Cependant, même si une suite était donnée à cette phase préparatoire, l’euro numérique ne verrait pas concrètement le jour avant 2025 ou 2026.

Des bénéfices évidents pour une Union européenne en quête d’affirmation

L’euro numérique permet à la BCE de répondre à plusieurs problèmes : tout d’abord, même si certains courants du libéralisme ne sont pas d’accord, l’émission de monnaie est historiquement une fonction régalienne. Remettre l’euro au centre de l’Union européenne en l’asseyant sur un socle technologique solide serait une réussite incontestable en ces temps de création monétaire excessive.

Ensuite, au-delà de la dimension symbolique, cela permettrait de consolider l’économie en sécurisant les paiements et les transactions, y compris les plus délicates. Le corollaire se trouve bien entendu dans la limitation des activités illégales et la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme : les déclarations fiscales, la perception de la TVA, les acquisitions immobilières… Tout serait simplifié et tracé.

La BCE souligne également le caractère écologique de l’euro numérique par rapport au bitcoin, immense consommateur d’énergie. Cependant, il s’agit d’une simple déclaration à ce stade : aucun détail n’est fourni quant à la mise en œuvre concrète.

Enfin, l’euro numérique constituerait un ultime pied-de-nez aux cryptoactifs caractérisés par une croissance désordonnée, une volatilité importante et de nombreux aléas technologiques. Cette stabilité n’est pas pour autant garantie par un adossement aux réserves de la BCE. Cette dernière a précisé le montage dans un rapport de 2020 : « des intermédiaires privés supervisés seraient les mieux placés pour fournir les services auxiliaires, adaptés aux utilisateurs, et pour élaborer de nouveaux modèles d’activité à partir de [la] fonctionnalité de base [de l’euro numérique]. »

Le succès de l’euro numérique est-il garanti ?

Si les intentions sont louables, la réalité sera peut-être tout autre. La faiblesse des droits initiaux (3 000 euros) risque de compliquer l’adhésion lors du lancement. Ce paramètre peut évoluer d’ici là, d’autant que l’euro numérique ne comporte pas le même caractère spéculatif que les cryptoactifs.

La BCE, consciente de l’importance de la fracture numérique, soutient que les espèces ne disparaîtront pas pour autant, ce qui met à mal l’argument de la lutte contre la fraude : en effet, celle-ci est, pour ses plus gros volumes au moins, le fait de l’argent liquide, entre travail dissimulé et trafics divers.

Certains spécialistes relèvent également une potentielle atteinte à la vie privée : à terme, les citoyens européens auraient tous, d’une certaine façon, “un compte à Francfort » (1) qui pourrait être scruté dès le premier euro. Une perspective rassurante pour une Union désireuse de mieux contrôler les flux et les stocks de capitaux, et donc ses ressortissants…

La principale limite identifiée concerne la technologie blockchain sur laquelle reposerait l’euro numérique : elle est encore peu mature à l’échelle industrielle et il n’est pas prouvé qu’elle puisse absorber le volume prévisionnel de paiements ni même qu’elle soit plus écologique que le bitcoin. Cette incertitude pèse beaucoup sur ce projet qui ne peut se permettre d’être un échec.

Enfin, rien ne garantit que l’euro numérique aura la faveur du public. La multiplication des initiatives privées brouille les pistes : ainsi, Meta (ex-Facebook) réactive son Libra sous le nom évocateur de “Diem” et Amazon est sur le point de transformer l’essai en 2022 en créant sa propre cryptomonnaie pour ses clients, toujours plus nombreux. En 2020, le volume des ventes de la firme américaine a été estimé à 475 milliards de dollars par l’agence Marketplace Pulse Research !

Le concept est donc révolutionnaire mais risqué : redorer le blason européen avec une monnaie ni sonnante ni trébuchante, mais répondant aux exigences du jour. Est-ce que cela représentera enfin le grand retour des devises souveraines et le recul des actifs douteux, eux-mêmes en pleine mutation ? Certains détracteurs soulignent le risque de déflation, de récession, voire d’“hélicoptère monétaire”, pour reprendre la célèbre métaphore de l’économiste Milton Friedman. L’absence d’adossement direct aux réserves de la BCE pourrait aussi fragiliser cet édifice incertain.

Un premier bilan fin 2022 devrait permettre de voir plus clair dans cette entreprise titanesque. Nous ne manquerons pas de suivre ce feuilleton de près et de vous faire part de tous les rebondissements qu’il implique pour le monde, l’Europe et la France.

(1) Bruno Colmant, CEO de Degroof Petercam dans L’Écho, 17 juillet 2021.

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La nouvelle taxonomie verte : l’avenir de la gestion d’actifs à long terme ?

Florence Baldo
Ingénieure conseil

Le nouveau standard européen est porteur de sens mais révèle les disparités à l’œuvre au sein de l’Union.

Finance et développement durable n’ont pas toujours fait bon ménage : dans l’esprit des professionnels comme dans celui du grand public, la corrélation entre performance des actifs et « sustainability » n’existe que depuis les années 1990-2000, avec l’apparition des premiers fonds intégrant à part entière les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance). Si des progrès considérables ont été effectués concernant ces deux dernières catégories, qui semblent reposer sur des critères objectifs et quantifiables, la question environnementale demeure la plus épineuse, en particulier dans le contexte européen : la nouvelle taxonomie verte est supposée remédier à cette situation d’ici 2022, avec pour objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. C’est sans compter la difficulté à trouver un consensus autour de ce que sont les actifs dits « bas carbone » pour des pays européens déchirés sur la question de la transition écologique. La bataille des lobbies fait rage, et la dimension éminemment politique du sujet brouille la mise en place opérationnelle pour les gestionnaires d’actifs.

Un système de classification des activités « vertes »

Le plan d’action pour la Finance Durable de la Commission Européenne est issu d’une recommandation du Conseil européen relative à la création d’une taxonomie verte, c’est-à-dire un système de classification commun pour évaluer la durabilité de 70 activités économiques, représentant 93 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne, permettant de définir quels sont les actifs durables. Pour obtenir ce label, les actifs devront respecter au moins l’un des six objectifs environnementaux de l’Union européenne :

● Atténuation du changement climatique

● Adaptation au changement climatique

● Utilisation durable et protection des ressources hydrologiques et marines

● Transition vers une économie circulaire

● Prévention et contrôle de la pollution

● Protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes

Les critères sociaux et de gouvernance devront également être pris en compte.

Le Parlement européen préconisait également l’exclusion des activités liées au secteur du nucléaire et du charbon, ce qui n’a pas été relayé par la Commission européenne. Les États membres contribueront au débat par le biais de groupes d’experts (Technical Expert Group on Sustainable Finance ou TEG) et la mise en place d’une plateforme sur la finance durable. Leurs travaux portent sur :

1. Le reporting extra-financier des entreprises, qui permet de récolter des informations très détaillées sur les actions mises en place par les sociétés avant d’y investir

2. La définition d’un standard sur les Green Bonds

3. L’intégration du climat dans les indices financiers européens, afin de privilégier les énergies renouvelables au détriment des énergies fossiles

Or, ce dernier point est particulièrement sensible au sein de l’Union européenne, rarement à l’abri de dissensions.

Un difficile consensus autour d’un sujet très politique

La mise en place de la taxonomie verte oblige toutes les entreprises et tous les établissements financiers à transpariser les impacts positifs et négatifs de leurs actions et à les justifier. Si l’intention est louable, la réalité du terrain révèle de nombreuses disparités. En ce qui concerne le secteur de l’énergie, les lobbies européens se déchaînent : en effet, comment définir objectivement ce qu’est une énergie bas-carbone ? EDF milite pour la classification du nucléaire dans cette catégorie, tandis que les Allemands défendent le gaz comme la meilleure énergie de transition. Les Polonais sont toujours fortement dépendants du charbon… L’acceptation de telle ou telle énergie dépend des seuils d’émission de CO2 définis par l’Union européenne, ce qui déclenche l’hostilité des pays souhaitant pouvoir en garder une définition nationale.

Par ailleurs, certaines associations financières militent clairement contre le projet de taxonomie verte qu’ils estiment liberticide. Un nombre restreint d’acteurs financiers français et européens (Aviva, Groupe BPCE, BNP Paribas, BBVA, AXA et Allianz) plaident pour une acceptation sans condition du projet, mais les associations de sociétés de gestion, des marchés financiers, des banques, etc. sont favorables à une adoption sur la base du volontariat, avec une focalisation sur les fonds dédiés à la finance durable.

De manière inattendue, la taxonomie verte est devenue un sujet politique qui pourrait s’étendre à la classification de l’ensemble des produits financiers à moyen terme. Anne-Catherine Husson-Traoré, Directrice Générale de Novethic, explique : « La bataille de la taxonomie montre, une fois de plus, la difficulté à faire émerger une stratégie climat portée et soutenue par une Europe unie alors qu’elle négocie pourtant d’une seule voix au sein des COP, celle de l’Union européenne ! ».

Les impacts organisationnels pour les gestionnaires d’actifs

Si les gestionnaires d’actifs maîtrisent bien le reporting de performance classique, le reporting extra-financier se révèle plus récent et plus complexe. La mise en place de la nouvelle taxonomie verte suppose de mettre à jour les systèmes de référentiels liés aux actifs afin de produire le reporting le plus fiable possible. Dans cette perspective, cela suppose que les experts se soient mis d’accord en amont sur la définition des indices, et notamment des indices climatiques. Comme vu précédemment, les Français, les Allemands et les Polonais sont en désaccord sur le type d’énergie à privilégier.

Tous les indices devront logiquement être reportés dans le détail, et les indices ESG devront être comparés aux indices traditionnels afin de bien expliquer leurs spécificités aux épargnants, pour qui la finance durable reste parfois un concept un peu flou. Les gestionnaires d’actifs doivent donc faire preuve de pédagogie et d’innovation afin de se monter convaincants, tout en se reposant sur des labels éprouvés dans le domaine de l’Investissement Socialement Responsable.

La tentation de qualifier tous ces efforts comme étant du greenwashing est grande pour les climato-sceptiques ou le public peu averti. Afin de remédier à cette situation, la responsabilité incombant au législateur est immense : seul un renforcement des obligations réglementaires permet de standardiser l’information et d’accéder à la meilleure transparence possible. Selon un sondage Odoxa du 17 décembre 2020, 75 % des Français sont prêts à souhaiter inscrire l’écologie dans la Constitution dans le cadre du futur référendum annoncé par le Président Macron. Sont-ils également prêts à changer de paradigme quant à leurs investissements financiers ?


Green bonds : littéralement obligations vertes, parfois appelées obligations environnementales. Il s’agit d’un emprunt obligataire (non bancaire) émis sur les marchés financiers, par une entreprise ou une entité publique (collectivité, agence internationale, etc.) pour financer des projets contribuant à la transition écologique. La différence par rapport aux obligations classiques tient dans les engagements pris par l’émetteur d’une part, sur l’usage précis des fonds récoltés qui doit porter sur des projets ayant un impact favorable sur l’environnement, et, d’autre part, sur la publication, chaque année, d’un rapport rendant compte aux investisseurs de la vie de ces projets (Source : Delphine Cuny, La Tribune, 8 décembre 2017).

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L’empreinte vocale biométrique, une étape révolutionnaire dans la lutte contre la fraude

Florence Baldo
Consultant

« Je compte sur vous ! » La voix est assurée, le script imparable. Grâce à son talent oratoire et à son assurance à toute épreuve, Gilbert Chikli a réussi à dérober plus de 50 millions d’euros entre 2005 et 2010 en se faisant passer pour le PDG de diverses sociétés (La Poste, les Galeries Lafayette, Disneyland Paris, les Pages jaunes ou encore la Caisse d’épargne) ou pour un agent de la DGSE. Sous pression, les employés répondant au téléphone, même expérimentés, n’ont pas hésité à effectuer des virements à l’adresse demandée et même à déposer de l’argent liquide dans des cafés parisiens pour obéir aux ordres. L’escroc, aujourd’hui en prison, a été incarné par Vincent Elbaz dans un film justement intitulé Je compte sur vous qui illustre la virtuosité et l’efficacité de la fameuse « arnaque au faux président ».

La pandémie de coronavirus a également entraîné une multiplication des attaques téléphoniques de tout type : hameçonnage, ingénierie sociale, tentatives d’extorsion… Étonnamment, la sécurité des systèmes d’information repose tout autant sur les facteurs humains que sur la technique.

Si les dispositions réglementaires encadrant l’authentification sont de plus en plus strictes, il existe une marge de progression importante pour fiabiliser les processus dans les établissements les plus sensibles, notamment les banques. Des innovations décisives ont vu le jour ces dernières années : la biométrie vocale en est la parfaite illustration. Les cas d’usage sont nombreux et les besoins en protection explosent. Décryptage.

La DSP2 : une avancée majeure vers l’authentification forte

Entrée en vigueur en 2018-2019, la DSP2 ou Directive sur les Services de Paiement a fixé de nouvelles normes en termes de sécurité des systèmes d’information. Elle a notamment imposé l’authentification à double facteur dans le secteur bancaire. Ainsi, afin de valider une opération ou un paiement en ligne, un code à usage unique (« One Time Password » ou code OTP) est demandé en plus du code personnel du client. Généralement lié au numéro de téléphone portable, il permet d’éviter les fraudes à la carte bleue sur la plupart des sites marchands.

Cependant, cette technique possède plusieurs limites : d’une part, si le portable a également été volé ou piraté, rien ne permet de garantir que c’est bien son propriétaire officiel qui l’utilise. D’autre part, la clientèle âgée ou peu équipée technologiquement n’est pas toujours à même de manipuler les mots de passe et les codes OTP avec aisance. Ce frein à l’adoption a notamment été constaté dans les établissements de type banque privée ou gestion de fortune.

Il existe aujourd’hui de nombreuses autres façons d’authentifier une transaction, l’utilisation d’un appareil ou l’accès à un bâtiment. Utilisée depuis de nombreuses années par la police – on pense notamment aux fameuses empreintes digitales –, la biométrie est l’une des techniques les plus matures, les plus avancées et les plus fiables dans ce domaine. De nombreux constructeurs l’utilisent déjà : ainsi, nos smartphones disposent-ils déjà de moyens d’identification biométrique comme l’empreinte digitale ou la reconnaissance faciale. Pour l’ouverture d’un compte en ligne, la Société Générale utilise par exemple la reconnaissance faciale en comparant la photo de la carte d’identité du client avec celle d’un selfie dynamique. Le processus prend une dizaine de minutes et repose sur la technologie fournie par Idemia (né de la fusion d’Oberthur Technologies et de Morpho, ex-Safran Identity & Security). La Société Générale a d’ailleurs été la première banque française à obtenir l’accord de la CNIL pour l’utilisation de la reconnaissance faciale.

Le Règlement Général sur la Protection des Données, en vigueur depuis le 25 mai 2018, impose d’obtenir le consentement de chaque prospect ou client en fonction de la finalité poursuivie et de détruire les données biométriques dès la fin du processus. En effet, celles-ci sont considérées comme sensibles par la CNIL en raison de l’utilisation qui peut en être faite aux dépens de la personne concernée.

Si l’authentification forte s’inscrit dans un cadre réglementaire bien précis, une seule technique permet aujourd’hui de lutter contre l’usurpation d’identité au téléphone : il s’agit de la reconnaissance vocale biométrique.

L’empreinte vocale : une signature unique à chaque individu

Il existe de multiples façons d’identifier une personne, mais toutes ne se valent pas. Par exemple, on sait aujourd’hui que les empreintes digitales et la reconnaissance faciale ne sont pas fiables à 100 %. Le scan de l’iris et l’analyse de l’ADN offrent des niveaux de garantie supérieurs mais peuvent s’avérer difficiles à exploiter.

En revanche, la voix est propre à chaque individu. Même des vrais jumeaux n’ont pas la même tessiture, les mêmes intonations, etc. À la différence des techniques ci-dessus, aucun matériel particulier n’est requis à part l’utilisation de la technologie de reconnaissance vocale en elle-même : la voix est l’outil le plus naturel de l’homme pour communiquer. En comparant un échantillon de la voix d’un client avec le contenu d’un appel téléphonique, il est possible d’identifier un individu en temps réel. Aujourd’hui, dans la plupart des banques de détail, on demande au client de répondre à une question aussi banale que sa date de naissance… ce qui n’est évidemment pas suffisant.

L’empreinte vocale est utilisée depuis des années en criminologie. Ainsi, le FBI a investi plusieurs milliards de dollars dans de gigantesques bases de données biométriques dès le début des années 2000, mais l’usage commercial de la reconnaissance vocale avait peiné à s’imposer.

Cependant, la société américaine NICE (que nous avons rencontrée), dont le siège est situé à Hoboken à côté de New-York, a fortement contribué à démocratiser cette technologie en la proposant aux établissements bancaires. En Suisse, la société PostFinance, spécialisée dans les paiements, a adopté la technologie NICE RTA (Real Time Authentification). Résultat : le temps d’attente a été divisé par deux dans les centres d’appel, puisqu’il n’y a plus besoin de poser les questions d’usage pour identifier le client, et l’usurpation n’est plus possible. NICE investit également dans l’analyse de la sémantique qui permet de détecter les émotions. Un appel créé de toute pièce avec une voix de synthèse et utilisé lors d’une attaque téléphonique est immédiatement neutralisé. Les cas d’usage sont multiples et comprennent par exemple l’assistance aux opérateurs commerciaux lors des appels de prospection pour comprendre quelle partie du script doit être améliorée.

Cotée au NASDAQ, la société NICE est l’un des leaders mondiaux en solutions d’exploitation analytique des données structurées et non structurées destinées au service client, à la lutte contre la fraude et à la protection des citoyens.

Avec les technologies actuelles, l’aventure de Gilbert Chikli n’aurait sans doute pas été possible. Si les particuliers et les professionnels sont de plus en plus sensibilisés aux bonnes pratiques de protection des données et de sécurité des systèmes d’information, la législation et l’innovation continuent d’avancer. Selon Action Fraud, le centre national de signalement britannique pour la fraude et la cybercriminalité, les attaques téléphoniques sont celles qui connaissent la progression annuelle la plus rapide. La biométrie vocale se présente comme l’une des rares solutions capables d’endiguer ce flux. Les conditions du succès ? L’ajustement des coûts de déploiement et la levée des freins psychologiques vis-à-vis des données biométriques qui ont encore mauvaise presse, en particulier en France où la culture de la confidentialité reste forte.

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Les Sustainable Finance Disclosure sont entrées en vigueur

 Florence Baldo et Rajaa Imlahi
Ingénieure conseil et Consultante

En quoi consistent les nouvelles obligations SFDR ? Quelles mesures les établissements vont-ils devoir adopter ?

Introduction

La finance ne cesse de s’inviter dans le débat écologique : dans notre dernière édition, nous vous faisions part des contraintes liées à la mise en place de la nouvelle taxonomie verte au sein de l’Union européenne. En parallèle, depuis le 10 mars 2021, certaines dispositions du règlement européen 2019/2088 dit Sustainable Finance Disclosure sont entrées en vigueur. L’AMF a apporté les précisions d’usage sur l’articulation entre le règlement SFDR et la recommandation DOC-2020-03 au sujet des informations à fournir par les gestionnaires d’actifs intégrant des approches extra-financières.

Par ailleurs, un nombre croissant de sociétés de gestion opère dans le secteur de l’investissement socialement responsable : par exemple, Sycomore Asset Management s’est spécialisé dans cette optique depuis sa création en 2001 ; Allianz Global Investors propose des fonds durables depuis 20 ans et a construit plusieurs équipes dédiées à la recherche et à la gestion dans le monde ; La Banque Postale Asset Management est devenu le premier gérant français avec 100 % de fonds labellisés ISR en 2021.

En quoi consistent les nouvelles obligations SFDR ? Quelles mesures les établissements vont-ils devoir adopter ?

Un nouveau contexte réglementaire

En novembre 2019, le règlement 2019/2088 sur « la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers » a été adopté par le Parlement Européen et le Conseil de l’Union Européenne. Ce règlement, communément appelé règlement « Disclosure » ou SFDR, a pour ambition d’encadrer la finance dans une transition environnementale et durable, en mettant en place de nouvelles règles de transparence pour les acteurs des marchés financiers et les conseillers financiers.

La version finale du cadre technique de cette réglementation, à savoir les RTS (Regulatory Technical Standards), a été publiée en février 2021 par l’EBA, l’EIOPA et l’ESMA.

Ce nouveau règlement vient donc s’ajouter aux obligations existantes en matière de reporting extra-financier dictées par l’article 173 de la loi sur la transition énergétique, qui oblige les établissements financiers à rendre compte régulièrement sur l’intégration des critères ESG dans leurs opérations d’investissement et à l’article 29 de la loi relative à l’énergie et au climat.

Des objectifs ambitieux

Le règlement « Disclosure » vise à établir des règles de transparence harmonisées pour les investisseurs institutionnels sur l’intégration des risques de durabilité et des incidences négatives en matière de durabilité, à savoir, les « PAI » (Principal Adverse Impacts ou Principales Incidences Négatives). Il s’agit en effet d’accroître la transparence des acteurs du marché financier sur la manière dont les opportunités et les risques de durabilité sont intégrés dans leurs décisions et recommandations d’investissement, dans les informations relatives aux produits financiers mais également dans leur politique de rémunération.

Les acteurs financiers sont concernés par ce règlement à plusieurs niveaux :

  • Au niveau de l’entité juridique : en tant que producteurs de produits financiers visés par ce texte de loi, les sociétés de gestion sont tenues d’intégrer les risques de durabilité ainsi que les incidences négatives en matière de durabilité dans leur politique générale.
  • Au niveau du produit financier : la prise en compte des risques précités dans les décisions d’investissement passe principalement par une définition claire des risques de durabilité pour chaque produit et par l’estimation de l’impact de l’intégration des critères ESG sur le rendement du produit.

Principales dispositions mises en œuvre le 10 mars 2021

A l’heure actuelle, l’innovation est devenue un « must-have » dans beaucoup d’organisations. Les banques et assurances n’échappent pas à cette règle, et le scepticisme autour des investissements dans l’innovation et la transformation digitale qu’avaient connu certaines entreprises va probablement s’éroder dans les prochains mois.

La mise en œuvre opérationnelle du Règlement Disclosure s’effectuera en plusieurs étapes. Les premières dispositions, qui sont entrées en vigueur le 10 mars 2021, se déclinent en 4 catégories :

    La transparence sur la prise en compte du risque de durabilité (art.3)

Selon l’article 3 du règlement SFDR : “Les acteurs des marchés financiers doivent publier des informations sur leurs politiques d’intégration des risques de durabilité dans leur processus de prise de décision en matière d’investissement…”

Il s’agit, pour la société de gestion, de décrire comment son processus de gestion des risques intègre la notion de durabilité. Elle doit ainsi décrire la démarche adoptée pour identifier et quantifier les incidences qu’un évènement environnemental, social ou lié à la gouvernance d’entreprise est susceptible d’avoir sur le rendement des produits financiers.

Pour se conformer à ces exigences, il est nécessaire pour ces entreprises d’évaluer, de façon permanente, l’ensemble des risques pertinents en termes de durabilité, pouvant avoir un impact négatif sur le rendement financier d’un investissement. Elles sont également tenues de présenter, dans leurs politiques générales, la manières dont ces risques sont intégrés et de les publier sur leurs sites internet.

    La transparence sur la prise en compte des “principales incidences négatives” ou “PAI” (art.4)

A partir du 10 mars 2021, les sociétés de gestion de portefeuilles ont commencé à décrire, sur une base volontaire, la démarche qu’elles ont adoptée pour identifier et évaluer l’impact de leurs investissements et / ou leurs conseils en investissements sur les facteurs de durabilité. Les acteurs des marchés financiers et les conseillers en investissement financier de plus de 500 salariés seront concernés par cette mesure dès le 30 juin 2021.

Par ailleurs, ces entreprises devront établir, sur une base annuelle, un rapport sur l’impact de leurs investissements et/ou leurs conseils en investissement sur un ensemble de critères définis par les RTS et rendre compte régulièrement sur son évolution.

La période d’observation, ouverte le 10 mars 2021, sera donc clôturée en fin d’année et un premier rapport qualitatif sera publié à cet effet en 2022.

    La transparence sur la politique de rémunération (art.5)

Avec ce nouveau règlement, les sociétés de gestion sont tenues de publier, sur leur site internet, des informations sur leurs politiques de rémunération, en indiquant comment ces politiques sont adaptées à l’intégration des risques de durabilité : à savoir qu’elles doivent encourager la prise en compte de ces risques dans les décisions d’investissement et /ou de conseil en investissement.

    La transparence des produits financiers sur la prise en compte des risques de durabilité (art.6)

Désormais, la prise en compte des risques de durabilité s’applique à tous les fonds et mandats de gestion ou de conseil, et il en va de même pour les PAI. Il convient dans ce cas, pour la société de gestion, de présenter la manière dont ces risques sont gérés au niveau de leurs produits et mandats, en décrivant comment sont intégrés les incidences qu’un évènement, environnemental social ou lié à la gouvernance d’entreprise, est susceptible d’avoir sur le rendement du fond, produit ou du mandat conseillé.

Les résultats de l’évaluation de ces incidences négatives sur le rendement du produit financier doivent être communiquées en toute transparence aux clients.

Ces informations doivent faire l’objet d’une publication dans le prospectus du fond ou du mandat de gestion mais aussi dans le contrat de conseil (pour les conseils en investissement ou en assurance).

Prochaines Etapes

Source des dates : Autorité des Marchés Financiers

Conséquences pour le secteur financier : impact de l’obligation de classification des produits financiers sur les sociétés de gestion

Le règlement SFDR définit deux catégories de produits :

  • Ceux qui promeuvent des caractéristiques environnementales et / ou sociales (produits dits « article 8 »)
  • Ceux qui poursuivent des objectifs d’investissement durable (produits dits « article 9 »)

Cette obligation de classification concerne plusieurs acteurs financiers, dont les gestionnaires d’actifs, qui vont devoir opérer une analyse complète de leurs fonds et mandats pour se conformer à ces nouvelles exigences. Pour ce faire, ils devront produire une revue des rapports des sociétés, conformément à la directive NFRD, et la publier en l’intégrant dans leurs informations, leurs rapports et leurs documents de gestion.

Ils auront donc pour mission d’identifier les produits, les classifier entre ces deux catégories et les transpariser au moyen de reportings réglementaires, notamment la matrice European MiFiD Template qui reflète le contenu des DICI.

Ces acteurs doivent désormais démontrer que leurs processus de prise de décision en matière d’investissement, la gestion des risques et la publication d’informations sur les produits qu’ils proposent sont parfaitement alignés.

Avec l’évolution de leurs méthodes de travail, ces entreprises doivent investir davantage dans la transformation de leurs systèmes d’information ainsi que dans la constitution d’équipes de gérants et d’analystes spécialisés en Investissement Socialement Responsable.

Conclusion

Au début de son quinquennat, le président Macron avait affirmé vouloir réorienter les flux de capitaux vers des investissements durables en matière environnementale, sociale et de gouvernance plutôt que vers l’épargne ou l’immobilier.  Le règlement SFDR devrait permettre d’intégrer la « sustainability » ou durabilité dans la gestion des risques, tout en favorisant la transparence et une vision à long terme. Même si l’exigence de reporting a été établie, il reste à mesurer l’impact concret des dispositions SFDR face à des indicateurs concrets et extrêmement suivis comme l’empreinte carbone. D’une manière générale, les établissements font face à une problématique de disponibilité et d’intégrité des données utilisables ainsi qu’à une pénurie de profils spécialistes, tant du côté Métier que du côté projet.

L’une des principales difficultés de l’application de ce règlement réside dans la notion même de “durabilité” : si l’on comprend bien qu’il s’agit d’investir sur du long terme, dans des énergies renouvelables et de favoriser l’économie circulaire, l’absence de définition scientifique et le flou relatif qui entoure cette notion font qu’elle est amenée à évoluer, déstabilisant ainsi l’adaptation des processus par les établissements concernés.