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Loi Eckert : huit ans après, quel bilan ?

Adrien Henry
Ingénieur conseil

Eckert : Les origines

La loi n° 2014-617 du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance-vie en déshérence, dite « loi Eckert », est entrée en vigueur le 1er juin 2016. Elle a été baptisée d’après son rapporteur Christian Eckert, Secrétaire d’Etat chargé du Budget sous le gouvernement Hollande. Elle reposait alors sur deux objectifs principaux : liquider le stock de comptes bancaires et de contrats d’assurance-vie non réclamés afin de récupérer les sommes correspondantes et traiter le flux de nouveaux contrats inactifs arrivant à échéance au fil de l’eau.

Concrètement, la loi se concentrait sur deux axes :

  • La détection de l’inactivité d’un compte ou d’un contrat par l’absence de fonctionnement du compte et l’absence de manifestation de son titulaire ou de son représentant ;
  • Le renforcement des obligations de connaissance client pour les établissements détenteurs de comptes ou contrats inactifs : information au titulaire par courrier, clôture en cas de décès avéré, conservation et publication des données à l’État, transfert des sommes non réclamées à la Caisse des Dépôts et Consignations.

Cette loi visait avant tout à faire porter aux établissements financiers la responsabilité de la recherche et de l’information des ayants droit, protégeant ainsi les titulaires et bénéficiaires des comptes inactifs et des contrats en déshérence.

Si, pour les comptes bancaires, la notion de compte inactif est définie dans la loi Eckert comme un compte sur lequel aucune opération autre que celles à l’initiative de la banque n’est intervenue pendant 12 mois consécutifs (60 mois pour les livrets d’épargne et autres comptes à terme et comptes-titres) et dont le titulaire ne s’est pas manifesté auprès de celle-ci, le cadre juridique concernant les contrats d’assurance-vie en déshérence est plus flou. Toutefois, les acteurs du marché s’accordent sur une définition commune regroupant sous ce terme les contrats dont le bénéfice au dénouement n’a pas été versé aux bénéficiaires, même partiellement, que ce soit en cas de vie ou en cas de décès.

Un renforcement des systèmes d’information

Avant même la loi Eckert, la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 dite « AGIRA 1 » avait donné mandat à l’Association pour la Gestion des Informations sur le Risque en Assurance (AGIRA) de centraliser les demandes émanant de toute personne d’être informée de l’existence de contrats d’assurance-vie souscrits par une personne décédée dont elle serait bénéficiaire et de les transmettre à l’ensemble des assureurs, institutions de prévoyance et mutuelles.

Cette loi a été renforcée par la loi n° 2007-1775 du 17 décembre 2007 dite « AGIRA 2 » qui donne accès aux professionnels du secteur à la base de données relative au décès des personnes inscrites au Répertoire National d’Identification des Personnes Physiques (RNIPP). Si elle visait à permettre aux personnes autorisées d’accéder à des informations jusque-là confidentielles, elle ne fournissait pas de marche à suivre concernant les fonds déjà transférés à la Caisse des Dépôts et Consignations.

Par la loi Eckert, l’État a remédié à ce problème en créant CICLADE, un service en ligne à destination des particuliers permettant de rechercher les sommes en déshérence reversées à la Caisse des Dépôts et Consignations pendant les 20 ans précédant l’acquisition définitive de ces sommes par l’État, et étendu à l’ensemble des établissements financiers détenteurs de comptes et contrats les obligations réglementaires auparavant limitées aux seuls assureurs.

L’efficacité du dispositif prouvée par les chiffres…

Entre juillet 2016 et décembre 2020, ce sont 9,9 millions de comptes bancaires, contrats d’assurance-vie et plans d’épargne salariale pour un total de 6,5 milliards d’euros qui ont été transférés à la Caisse des Dépôts et Consignations. La plus grande partie (66 % des produits et 57 % du montant) provenait du stock de 2016 (1).

Il est à noter que les comptes bancaires inactifs représentent une très large partie des produits transférés, notamment en nombre (5,5 millions de comptes en 2016, soit 85 %) et dans une moindre mesure en montant (1,9 milliard d’euros en 2016, soit 51 %). Cela s’explique car, avant même les lois AGIRA 1 et 2, les assureurs étaient tenus de rechercher les bénéficiaires en cas de décès. Le cadre législatif du dispositif a durci ces obligations pour inciter les établissements à rechercher les ayants droit plus activement qu’ils ne le faisaient auparavant, notamment grâce à la surveillance de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) et à ses sanctions potentielles.

… mais un champ d’application à étendre et à renforcer

Si la mise en place de la loi Eckert et des outils associés a permis de réduire drastiquement le nombre de comptes et contrats en déshérence, il laissait de côté le périmètre des contrats d’épargne retraite. L’ACPR notait ainsi en 2018 que ces contrats représenteraient près de 13 milliards d’euros en avoirs non liquidés à l’âge légal de départ à la retraite (actuellement 62 ans), un chiffre confirmé par la Cour des Comptes en 2019.

C’est ainsi que la loi n° 2021-219 du 26 février 2021 relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire, c’est-à-dire l’ensemble des produits antérieurs au Plan d’Épargne Retraite (Article 83, Madelin, PERP, …) ainsi que le PER lui-même, entrée en vigueur le 1er juillet 2022, complète le dispositif Eckert par l’obligation faite aux gestionnaires de produits d’épargne retraite de communiquer chaque année au Groupement d’Intérêt Public (GIP) Union Retraite les données utiles à l’identification des bénéficiaires et le renforcement du devoir d’information de l’employeur auprès de ses employés.

Des obligations croissantes renforcées par des sanctions proportionnelles ?

En tant qu’organe régulateur de l’État des secteurs de l’Assurance et de la Banque, l’ACPR semble avoir fait preuve d’une certaine clémence dans les premières années ayant suivi l’entrée en application de la loi Eckert. Pour autant, depuis 2019, elle a prononcé des sanctions de plus en plus nombreuses, en particulier à l’encontre des assureurs, ces derniers étaient théoriquement mieux préparés, en raison des lois AGIRA, à remplir leurs obligations de recherche et d’information, accompagnées d’amendes de montants non négligeables. Sur le seul deuxième trimestre 2022, trois décisions ont ainsi été rendues à l’encontre d’acteurs importants du marché de l’assurance pour un montant cumulé de sanctions pécuniaires s’élevant à 12 millions d’euros.

En termes de chiffres et de systèmes d’information, la loi Eckert a donc fait la preuve de son efficacité. Entre un champ d’application qui s’élargit d’année en année et des sanctions qui tendent à se durcir, les contraintes réglementaires autant que les évolutions technologiques sont plus que jamais au cœur des préoccupations des institutions financières. Cependant, la compréhension de ces enjeux par le grand public, la connaissance approfondie des différents dispositifs d’épargne et d’investissement ainsi que la responsabilité de chacun vis-à-vis de la gestion de ses comptes révèlent une certaine insuffisance – typiquement française ? – due à une éducation financière hétérogène au sein de la population.

(1) Source : Caisse des Dépôts et Consignations

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Les nouvelles formes de mobilité à l’épreuve de l’assurance

Géraud Oules
Ingénieur conseil

Le changement climatique est omniprésent depuis plusieurs années et particulièrement depuis cet été. Dès la tenue de la COP21 fin 2015, la plupart des politiques écologiques se sont orientées vers la mobilité durable, aussi appelée écomobilité. Ce concept recouvre toutes les pratiques consistant à réduire efficacement les sources d’émission de gaz à effet de serre. En outre, avec la pandémie de Covid-19, les usagers des transports publics ont eu tendance à privilégier les modes de déplacement alternatifs comme le vélo, la trottinette électrique ou le gyropode pour limiter les risques de contamination.

Naturellement, ces nouvelles mobilités sont encore peu régulées et suscitent autant d’enthousiasme que d’inquiétude. Entre opportunités et menaces, les sociétés d’assurance proposent de nouvelles formules adaptées à ces évolutions.

Les EDPM (Engins de Déplacement Personnel Motorisés), nouveaux venus du paysage urbain

Avec la mise en service des Vélib’ à assistance électrique en 2017 et des premières trottinettes électriques en libre-service en 2018, Paris et les grandes villes françaises ont fait le choix de la mobilité verte pour inciter les réfractaires aux transports publics à privilégier les engins électriques à la voiture et les habituels usagers du métro à désengorger les lignes en restant en surface. Ces offres parfois décriées ont eu le mérite de démocratiser l’usage des vélos et autres engins électriques en ville, au point de s’imposer comme un mode de déplacement privilégié pour le retour au bureau lors du premier déconfinement.

Ainsi, 2,7 millions de vélos, dont un tiers de vélos électriques, se sont vendus en France en 2020, soit une hausse du chiffre d’affaires de 25 % dans le secteur par rapport à l’année précédente (1). De la même manière, ce que l’on regroupe désormais sous l’appellation EDPM (Engins de Déplacement Personnel Motorisés) a connu une forte augmentation des ventes en 2020 avec 1,6 millions d’engins vendus pour une hausse de chiffre d’affaires de 7 % (2), portée en particulier par le marché des trottinettes électriques dont il s’est vendu plus d’exemplaires en 2020 que de vélos à assistance électrique, et ce pour la deuxième année consécutive.

En “trotti”, tout est permis ?

Depuis de nombreuses années, certains cyclistes semblent estimer qu’ils ne sont pas complètement soumis au code de la route. Ce mythe persistant s’est naturellement propagé aux conducteurs d’EDPM, à moins que le fait qu’aucun permis de conduire spécifique ne soit exigé ne les incite à être moins respectueux vis-à-vis des règles en vigueur. Pour autant, les contraventions, elles, restent bien réelles et applicables à tous les types de véhicule.

Outre les obligations évidentes comme le respect des feux tricolores, le sens de circulation et l’usage obligatoire de la route – sauf en cas de piste cyclable balisée sur le trottoir -, des compléments ont été apportés par le décret du 23 octobre 2019 pour les EDPM. Contrairement aux vélos, les usagers d’EDPM doivent notamment porter des vêtements ou équipements réfléchissants en cas de visibilité insuffisante, disposer de feux de position à l’avant et à l’arrière, d’un avertisseur sonore et d’une assurance spécifique.

Mobilité verte, assurance ouverte ?

Les EDPM étant motorisés par définition, ils sont soumis à la même obligation d’assurance de Responsabilité Civile que les autres VTAM (Véhicules Terrestres À Moteur) comme les motos et les voitures. La conduite d’un EDPM sans assurance est donc passible de 3 750 € d’amende et d’autres peines complémentaires comme la suspension ou l’annulation du permis de conduire, l’interdiction de conduire des véhicules terrestres à moteur ou la confiscation du véhicule (art. L324-2 du Code de la Route).

Pour autant, si l’assurance de Responsabilité Civile est la seule obligatoire, celle-ci ne couvre que les dommages corporels et / ou matériels infligés à des tiers, laissant ceux subis par le conducteur à sa propre charge.

Si, aujourd’hui, la plupart des assureurs se sont positionnés sur le marché de l’assurance des EDPM, toutes les garanties ne se valent pas. Dans certains cas, l’assurance de Responsabilité Civile est comprise dans l’Assurance Habitation, mais là aussi la couverture peut inclure les engins de location ou au contraire se limiter aux véhicules dont l’assuré est propriétaire. Les dommages corporels subis par le conducteur font eux l’objet d’une garantie spécifique qui peut inclure ou non les équipements de protection détériorés. Enfin, des garanties contre le vol et la casse ainsi qu’une assistance juridique peuvent bien sûr être intégrées dans l’offre des assureurs.

Le marché de l’assurance des nouvelles formes de mobilité est encore récent mais en développement constant et rapide, aussi bien en termes de technologies que d’usagers. Alors que le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages (FGAO) doit faire face à une méconnaissance encore importante de la législation en vigueur de la part des usagers, il y a fort à parier que les assureurs auront un rôle central d’accompagnement et de prévention à jouer dans les prochains mois.

(1) Source : France Inter, 10/04/2021

(2) Source : L’Automobile et l’Entreprise, 07/05/2021